lundi 29 mars 2010

Salut Jerry, mon vieux camarade


Ce matin je suis tombé sur le site du CCI où j’ai appris la triste nouvelle – triste jour – la disparition de Jerry. J’avais été accueilli chez lui dans sa maison de Brooklyn en 1988. Il m’avait permis de réaliser le rêve de ma vie : visiter New York avec Anouke et les enfants, arpenter des rues infinies, marcher les yeux au ciel. Et quelle fierté d’habiter dans la maison chaleureuse d’un camarade de sa valeur, si brillant et si simple, maison si originalement décorée par sa compagne. Nous dormions dans les chambres de ses deux filles sous les posters de Paul Simon. Pas bricoleur pour deux sous l’intello Jerry était un homme passionnant – il n’avait pas les défauts redondants habituels chez les journalistes – profondément humain il aimait la vie, le contact, adorait ses enfants qui le lui rendaient bien. Il fût surtout un des rares révolutionnaires modernes dans ce vaste pays « moderniste » à rester convaincu du rôle du prolétariat et à contribuer par ses interventions orales et écrites à son combat. Je suis très touché par sa disparition – comme par celle du grand John il y a quelques années - même si nous nous étions perdus de vue depuis de longues années. Il avait déjà eu un incident cardiaque à la fin des années 1990 et, lorsqu’il était venu à Paris à un congrès de l’organisation que j’avais quitté, il avait tenu à me rencontrer pour me remercier de me soucier de sa santé. Je l’avais invité au restaurant à Montrouge, et je me rappellerai toujours de son phrasé américain légèrement chuintant et cette façon de rouler les mots comme on déguste un gâteau, et ces phrases toujours terminées par « isn’t » ou « you see » ou « you know ». T’es mort trop jeune Jerry.
Le CCI lui rend un hommage mérité sur son site, dont voici un extrait :
Notre camarade Jerry Grevin, militant de longue date de la section américaine du CCI, est mort subitement d'une crise cardiaque le 11 février 2010. Sa mort prématurée est une perte énorme pour notre organisation et tous ceux qui le connaissaient: sa famille a perdu un mari, un père et un grand-père tendre et affectueux; ses compagnons de travail à l'université où il enseignait, ont perdu un collègue estimé; les militants du CCI, dans sa section et dans le monde entier, ont perdu un camarade très aimé et totalement dévoué. Jerry Grevin est né en 1946 à Brooklyn, dans une famille ouvrière de la deuxième génération d'immigrants juifs. Ses parents avaient un esprit critique qui les mena à entrer au Parti communiste des Etats-Unis, puis à le quitter. Le père de Jerry avait été profondément choqué par la destruction d'Hiroshima et de Nagasaki à laquelle il avait assisté en tant que membre des forces américaines d'occupation à la fin de la Deuxième Guerre mondiale; bien qu'il n'ait jamais parlé de cette expérience et que son fils ne l'ait sue que bien plus tard, Jerry était convaincu qu'elle avait exacerbé l'état d'esprit anti-patriotique et anti-guerre qu'il avait hérité de ses parents. L'une des grandes qualités de Jerry qui ne s'est jamais démentie, était son indignation brûlante et inébranlable contre toute forme d'injustice, d'oppression et d'exploitation. Dès sa jeunesse; il a énergiquement pris part aux grandes causes sociales de l'époque. Il participa aux grandes manifestations contre la ségrégation et l'inégalité raciale organisées par le Congress of Racial Equality (CORE) dans le Sud de l'Amérique. Cela nécessitait un courage certain puisque des militants et des manifestants subissaient quotidiennement de mauvais traitements, des bastonnades et étaient même assassinés; et Jerry étant juif, non seulement il combattait les préjugés racistes, il en était lui-même l'objet. Pour sa génération, aux Etats-Unis en particulier, l'autre question cruciale de l'époque était l'opposition à la Guerre du Vietnam. Exilé à Montréal au Canada, il fut l'animateur d'un des comités qui faisait partie du "Second Underground Railroad"2 pour aider les déserteurs de l'armée américaine à fuir les Etats-Unis et à commencer une nouvelle vie à l'étranger. Il s'engagea dans cette activité non comme pacifiste mais avec la conviction que la résistance à l'ordre militaire pouvait et devait faire partie d'une lutte de classe plus large, contre le capitalisme, et il participa à la publication militante, de courte durée, Worker and Soldier. Plusieurs années après, Jerry eut la possibilité de consulter une partie –largement censurée- de son dossier au FBI: son épaisseur et les détails qu'il comportait –le dossier était régulièrement mis à jour dans la période où il militait dans le CCI- lui donnèrent pas mal de satisfaction et induisirent de sa part quelques commentaires caustiques envers ceux qui pensent que la police et les services de renseignements "ne s'occupent pas" des petits groupes insignifiants de militants aujourd'hui.
La suite sur ICC on line

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